*** Le Ruisseau ***
Les rendez-vous d'automne
huile de Claude Guigné
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Dans le champêtre berceau De la campagne
fleurie, Le joli petit ruisseau Va dans la verte prairie.
Son onde limpide et sage Qui gazouille doucement Emporte la
fleur sauvage Qu’il berce inlassablement.
La libellule
légère S’attarde sur un roseau. Le soir venu, la bergère Y
fait boire son troupeau.
Autrefois, la lavandière, Dans la
rosée du matin, Au courant de l’onde claire Rinçait son jupon de
lin.
L’agnelet de La Fontaine, Pauvre innocent égaré, Sans
craindre sa fin prochaine, Pourrait s’y désaltérer.
Quand vient
la fin de l’automne, Quand décembre est décevant, Son eau se ride et
frissonne Sous la morsure du vent.
Mais malgré le temps qui
passe, Les bons ou les mauvais jours, Tout ce qui vit et
trépasse, Le ruisseau coule toujours.
Même si son aventure A
la rivière prend fin, Dans son berceau de verdure, Il s’en va vers
son destin.
Au pied du courant -
pastel d'Hildegarde Carle
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Renée Jeanne Mignard
*** Février ***
L'Indre dans le Brouillard
photo
de Renée Jeanne Mignard
Aujourd’hui, tout est flou, noyé dans la
grisaille. Le brouillard s’est levé, mais il s’attarde encor. Les
oiseaux sont muets, gîtent vaille que vaille, Février se languit dans
ce morne décor.
Le hêtre dénudé n’est plus que noir
squelette. Plus un seul rameau vert, plus une feuille au cœur. On
dirait que le ciel lui caresse la tête. Les nuages sont bas dans ce
jour sans lueur.
Au hasard des sentiers de la forêt qui
tremble, L’automne a défeuillé le chêne, le bouleau. Sur la berge de
l’Indre où nous allions ensemble, Des corbeaux affairés piètent au bord
de l’eau.
L’eau qui coule, sereine, emportant avec elle Les
rêves du printemps, les espoirs de l’été. Le souvenir de nous, notre
amitié fidèle, Et l’écrin de tes bras pour mon cœur
tourmenté.
Un rayon de soleil a percé les nuages. A l’horizon le
ciel ouvre ses yeux d’azur. Je sais que très bientôt, comme un heureux
présage, L’hirondelle viendra nicher dans le vieux mur
L' Indre sereine -
photo de Renée Jeanne
Mignard
Renée
Jeanne Mignard
*Sonnet à la ville endormie*
Une nuit au Pont Neuf - Claude Theberge
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Que c’est mystérieux une
ville qui dort, Fenêtres volets clos, ses ruelles désertes, Le
silence profond de ses maisons offertes Au regard du rôdeur, qui jamais
ne s’endort.
Pourtant on veille encor dans le bistrot du port Où
l’on chante, où l’on boit à futailles ouvertes. Le marin qui se livre
aux caresses expertes Sera pauvre demain, mais bénira son
sort.
Le passant attardé qui pour rentrer se presse, Ne sait pas
que déjà, la nuit enchanteresse Etend sur la cité son manteau de
velours.
Jusqu’à l’éveil d’Eos, qui déchire ses voiles, Neuve
chaque matin, recommencée toujours, La ville va bercer ses
myriades d’étoiles.
Ville endormie - photo
A contre sens
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Renée Jeanne Mignard
*** Féerie ***
Féérie - de Dimitri
Xenakis
http://dimitri.xenakis.free.fr
Au cœur de la forêt, sous la voûte étoilée, On
peut voir dès minuit s’avancer une fée. Les hôtes des sous-bois s’y
donnent rendez-vous. Madame la hulotte et Monsieur le
hibou, Installés tous les deux sur un arbre qui penche, Attendent
dès le soir, et sur la même branche, Le spectacle charmant et l’image
très douce, De ces petites fées tournoyant sur la mousse.
Elles
ont robes d’or, et roses sur la tête. A petits cris joyeux, du bout de
leur baguette, Comme pour annoncer du printemps le retour, Changent
en un clin d’œil le décor alentour.
Le sapin rabougri se redresse,
scintille. Le grand chêne noueux de frais bourgeons s’habille. Le
corbeau sait chanter, et cet oiseau maudit Devient en un instant oiseau
de paradis. La taupe voit enfin, vole avec libellule, Et les petites
fées dans leur robe de tulle, Eveillant les échos de leur rire
argentin, Sont partout à la fois, de minuit au matin.
« Un peu
de poudre d’or sur le grand marronnier. Des perles de rubis aux
branches du mûrier. Faisons de l’arbre mort un beau Prince
charmant. De Madame souris la belle au bois dormant. Accordons au
crapaud une vraie nuit d’extase, Au cheval claudicant les ailes de
Pégase. Que soit vide toujours le sac du braconnier, Et que Jeannot
lapin danse dans son terrier" Entraînant leurs amis dans une ronde
folle, Les fées aux pieds légers dansent la farandole.
Mais le
coq a chanté. Son bref cocorico, De ce monde hors du temps vient de
troubler l’écho. Et la déesse Eos, de ses doigts lumineux, A fait
fuir les acteurs du rêve merveilleux. La forêt redevient sombre,
silencieuse. Dame Lune là-haut, blanche, mystérieuse, Spectatrice
comblée de cet acte d’amour, Va refermer les yeux pour ne plus voir le
jour.
Adieu donc farfadet, lutin et ver-luisant. Adieu non, au
revoir,car dès le soir tombant, Je vous retrouverai à la fontaine
claire, Au royaume si beau, si extraordinaire, Quand sur l'herbe du
bois,sous la voûte étoilée, Je verrai dès minuit s'avancer une
fée.
Eblouissant - de
Johanne Siminaro
http://www.siminaro.com
Renée Jeanne Mignard
*** Le Lavoir ***
Le lavoir de Dornecy -
photo de Marie-Claire
http://claireimage.ns5.wistee.fr
Jadis, le mollet vif, la réplique
maligne, Devisant ou chantant tout le long du chemin, Elles allaient
porter, par le champ et la vigne, Leur panière de linge au lavoir du
moulin.
Elles s’agenouillaient sur les méchantes
planches Savonnaient et brossaient à gestes généreux, Riaient et
jacassaient en retroussant leurs manches Le battoir bien en main
rythmant leurs cris joyeux.
Tandis qu’elles rinçaient camisole ou
corsage, Qui dans l’onde claquait ainsi que voile au vent, Elles
riaient plus fort en penchant leur visage Qu’elles voyaient flotter
dans le miroir mouvant.
Devant l’eau qui moussait, devenait
opaline, Tordant le caraco de coton ou de lin, Pouvaient-elles
penser alors qu’une machine Condamnerait un jour le lavoir du
moulin.
Il en existe bien dans quelques coins de France Que
touriste zélé se plaît à découvrir. Mais ces lieux qui vivaient ne sont
plus que silence. Il n’en subsiste plus qu’un lointain
souvenir.
Le lavoir de Montbazon
-
photo de Renée Jeanne Mignard
Renée Jeanne Mignard
*La Chapelle Oubliée*
La vieille chapelletoile de Claire Gauthier
http://pages.videotron.com/artcg/
Dans un hameau perdu, au cœur
de l’ Indre et Loire, Cachée dans l’aubépine et les buissons de
houx, A l’écart des grands noms et des chemins de gloire, Je
sais une chapelle abandonnée de nous. Il y a bien longtemps que les
gens du village Ont oublié les pas qui les menaient ici. Bien
longtemps que porteur de la parole sage, Le pasteur n’est venu rassurer
ses brebis.
Le silence est cruel dans la nef endormie Que
parfumait jadis la fumée de l’encens, D’où montaient vers le ciel les
hymnes à Marie. Le vieil harmonium est muet à présent. Sur le bord
d’un prie-Dieu un missel est couché. Le confessionnal qui ne sert plus
à rien Garde le souvenir du coupable péché Qu’on venait chuchoter,
chapelet dans la main
Les promis de l’année y venaient
s’épouser. La messe de minuit était fervente, belle, Et près du
nouveau-né qu’on venait baptiser, Les anges protégeaient la
petite chapelle. Mais les temps on changé. Le hameau délaissé A vu
partir ses fils un par un pour la ville, Et vivant à demi, les vieux au
coeur lassé Ont chassé le saint-lieu de leur rêve
tranquille
Vibrera-t’elle dis, la cloche à la
veillée. Combien s’écouleront d’automnes, de printemps Avant que de
revoir la foule agenouillée, Priant dans la chapelle oubliée par le
temps.
Chapelle - aquarelle de
Patrick Raynal
http://tresorscolores.com
Renée Jeanne Mignard
*** Hiver en Provence ***
Mas en Provence - huile
de Fred Usclat
http://fred.usclat.free.fr
Plus une rose au rosier,
septembre l’a dépouillé, L’hiver s’installe déjà, et dans l’âtre tu
vois, Brûle le feu de bois. Les oiseaux sont malheureux, et dans le
jardin frileux, Pleurent les beaux jours perdus, Le soleil disparu
qui ne les aime plus.
Sur la plage déserte enfin, Les mouettes
chaque matin dansent un ballet sans fin Avec le sable et les
coquillages. Plus de bateaux sur la mer, plus d’hirondelles dans
l’air. Parfois le matin très tôt, Seul un vol d’étourneaux perce le
gris du ciel. Sur le golfe sans voiliers, les jardins et les
halliers, Quelquefois un gros orage En chassant les nuages nous
offre un arc-en-ciel.
Calme et monotone comme le
bonheur, L’hiver qui frissonne apaise mon cœur.
Chaise-longue
abandonnée sur la terrasse mouillée. Laurier-rose qui
sommeille Fontaine sans abeilles sous le pin parasol. Est morte la
vigne vierge aux murs de la vieille auberge, Les fleurs des
bougainvillées Aux graines étoilées reposent sur le
sol.
Promenade à pas pressés. Mais croyez-moi je le sais, si
mistral vient à passer, Mieux vaut éviter les escapades, A la fin de
la journée, du feu dans la cheminée, Toi et moi main dans la
main Sûrs de notre demain dans le tiède décor. Et c’est ainsi chaque
année, quand la saison terminée, La maison porte fermée comme à
l’accoutumée Jusqu’au printemps s’endort.
Calme et monotone
comme le bonheur, L’hiver qui frissonne apaise mon cœur.
Collines de Théoule -
William Langree
http://www.peintures-provence.com
Renée
Jeanne Mignard
*La Vieille Maison*
Volets bleus -
aquarelle de Séverine De Clercq
http://danielarsene.free.fr
Ce n’est qu’une maison, et
rien qu' une chaumière. Une glycine bleue court sur la vieille
pierre. Des roses, des lilas au printemps voient le jour, Et
des bouquets de buis se dressent tout autour. On voit devant la porte
un vieux banc vermoulu. Mais depuis bien longtemps, nul ne s’y assoit
plus. Personne ne vient plus tirer le seau rouillé Du puits
abandonné sous novembre mouillé.
Le jardin envahi par l’ortie qui
le cerne Ne donne que chiendent, folle avoine, luzerne. Un volet
claque au vent quand le temps est en rage. La grille en fer forgé
qui grince sous l’orage A depuis bien longtemps perdu gonds et
verrous. Du temps qu’elle vivait, vous en souvenez-vous, La maison
résonnait de rires et de chants. Qu’elle est triste à présent, sous les
soleils couchants.
Naguère, dans la cour, si j’ai bonne
mémoire, Accrochée au tilleul pendait la balançoire. Souvent,
dans la soirée, sous le ciel des étés, De joyeux cris d’enfants, par le
vent apportés, Disaient assez combien les gens étaient heureux Dans
la maison modeste, avec ses volets bleus.
Mais le temps a passé,
mais le temps s’est enfui. Les enfants ont grandi, chacun d’eux est
parti Pour aller vivre ailleurs, au pays d’à côté, Et dans
l’humble maison, seul l’aïeul est resté, Qui a vécu un peu, et puis
s’est endormi, Tout doux, tout doucement, un soir de mai
joli.
Prisonnière depuis de la ronce qui croche, La maison aux
yeux clos est là, comme un reproche. Mais j’espère pourtant qu’à la
belle saison, Le bonheur reviendra dans la vieille maison. Alors,
les soirs d’été, nous entendrons souvent, De joyeux cris d’enfants,
apportés par le vent.
La vieille maison -
Toile André Juloen
http://www.lepinceaudart.ca
Renée Jeanne Mignard
*Maison à la
campagne*
Acrylique de
Pierre Coutreau
http://coutreau.net
***
L'Hiver ***
Toile de Angelina Lavernia
http://francois.batet.free.fr
***La Levée du Jour***
Huile sur canevas d' André Julien
www.lepinceaudart.ca
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